Le défi pour les médecins est de réoccuper le terrain auprès des patients pour mieux interagir avec les politiques

1 juin 2021

Dans ce 6e épisode de la 3e saison de "Philosophie et médecine", Jean Creplet se penche sur le danger de la spirale infernale de la division des médecins et rend hommage au "sursaut" des MACS.

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Dans ce 6e épisode de la 3e saison de "Philosophie et médecine", Jean Creplet se penche sur le danger de la spirale infernale de la division des médecins et rend hommage au "sursaut" des MACS.

 

Au-delà de leurs divisions, les médecins devraient mieux communiquer entre eux pour plus de cohérence dans l'organisation de leur travail, sans tout se laisser dicter par le politique. La récente mobilisation des médecins assistants candidats spécialistes (MACS) pose des questions en grande partie internes à la profession. Certaines concernent les relations entre médecins s'occupant des mêmes patients. Elles dépendent de nous seuls comme professionnels se voulant libres et responsables. Un effort sur ce plan est d'autant plus nécessaire que les patients et leurs familles observent de près comment nous parlons les uns des autres, transmettons nos comptes-rendus et protocoles, gérons nos divergences d'avis, bousculons parfois des traitements ajustés de longue date et... accompagnons les jeunes consoeurs et confrères au cours de leur formation dans les hôpitaux ou en médecine générale.

 

Plus loin du terrain, de puissants acteurs des soins de santé jaugent nos capacités de défendre ensemble une médecine subtilement scientifique et humaine. Alors que les mutuelles résistent aux scandales depuis des décennies et se renforcent après chaque crise, nos jeunes nous rappellent qu'il est temps de reprendre l'initiative pour assumer dans les hôpitaux les charges qui nous reviennent, ni plus, ni moins, en toute transparence, bref améliorer le " système ", tout en défendant bec et ongles nos intérêts légitimes.

 

Le secret des mutuelles : fortes dans l'État, fortes dans la société civile

 

Les mutuelles ont réussi à occuper une position inexpugnable de gardiennes de l'assurance maladie-invalidité obligatoire tout en se préservant une grande liberté d'action comme entreprises d'économie sociale. Pour continuer leurs activités d'assureurs hors assurance maladie-invalidité obligatoire, elles ont dû créer des sociétés mutualistes d'assurance. Là encore, elles ont trouvé la parade à une plainte des assureurs privés. Très décentralisées, concurrentes sur le terrain, elles forment un bloc dans les étages du système. Deux exemples. L'Agence InterMutualiste (AIM) rassemble sur une plate-forme les données médicales de patients des sept mutualités belges. Le Pacte d'Avenir conclu avec une ministre libérale et signé par le même groupe de sept précise leurs missions, non seulement comme intermédiaires financiers, mais aussi comme contrôleurs des prestataires et influenceurs de la stratégie en matière d'objectifs de santé.

 

Quel contraste avec les voix discordantes des médecins ! Depuis les origines les mutuelles se veulent gardiennes de l'argent de la prévoyance solidaire. L'argent, voilà ce qui les unit ! Et tant mieux quand il s'agit vraiment de prévoyance et de solidarité. Quels liens pourraient rassembler les médecins avec autant de force ? Leur ADN : le service aux malades.

 

Les praticiens de terrain : dispersés face à l'État, soudés auprès des malades, surtout dans les coups durs.

 
 

Les unions professionnelles, les sociétés scientifiques et les syndicats médicaux disposent de représentants dans la plupart des commissions. Pourquoi ne se font-ils pas mieux entendre ? La première explication est l'asymétrie entre les délégués des mutuelles et ceux des médecins. Les premiers siègent dans un cadre professionnel, les seconds en sus de leur activité. Seules des personnes énergiques, passionnées par la cause et financièrement soutenues peuvent tenir le coup. Merci à elles ! La deuxième explication de la faiblesse des médecins touche à leur division pour cause de spécialisation et de cloisonnement des pratiques, chacun défendant son pré carré. Courte vue, dommage ! Enfin, il faut se demander combien de temps les partisans d'une médecine personnalisée, humaine, conciliant technique et clinique, proche des malades, vont résister aux pressions de tous ceux qui prétendent imposer procédures et traitements à distance.

 

Les mutuelles ont réussi à occuper une position inexpugnable de gardiennes de l'assurance maladie-invalidité obligatoire

 

La révolte des MACS : amorce d'un sursaut de notre beau métier ?

 

J'en rêve. Mais il faut arrêter la spirale infernale de la division des médecins. Les MACS, parfois si fâchés sur leurs aînés, doivent savoir que lors d'un récent conseil d'administration de l'Absym Bruxelles, de nombreuses voix se sont élevées pour demander de les soutenir et de les écouter. Les aberrations qu'ils constatent résultent de la complexité d'un système qui ne peut se régénérer que par le dialogue et la concertation entre médecins de toutes pratiques et toutes générations.

 

L'affaire des MACS révèle deux points sensibles : 1) l'ambiguïté de la loi permettant des prélèvements d'honoraires injustifiés dans certains hôpitaux, ce qui diminue les possibilités de valorisation adéquate de l'activité médicale, en particulier celle des jeunes médecins et des cliniciens chargés de les former ; 2) l'abandon des unités de soins par les médecins seniors pour des tâches mieux valorisées, aux dépends des malades et de la formation des MACS. La division entre nos jeunes du Nord, acceptant le récent accord et ceux du Sud, le rejetant, révèle des différences régionales dans les relations médecins-gestionnaires.

 

De là à communautariser le problème, il n'y a qu'un pas, erreur à ne pas commettre. Car la médecine, sous toutes les latitudes, repose sur les mêmes fondamentaux. Certes la loi n'est pas claire, permet trop d'abus et met les conseils médicaux sous pression, mais elle n'empêche nullement médecins et gestionnaires de travailler ensemble. Manifestement, ils le font mieux en Flandre. La loi n'empêche pas non plus les médecins de réfléchir à un meilleur équilibre entre clinique et technique

 

Dr Jean Creplet (ABSyM)

Source: Le Journal du médecin

 

 

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