La Belgique, un laboratoire des fonctions généralistes en médecine et en politique

26 janvier 2021

Partout dans le monde, les fonctions généralistes ont été transformées en disciplines académiques rattachées aux sciences humaines. Elles ont ainsi débouché sur une efflorescence de diplômes et de métiers diversement accueillis. En Belgique, l'État leur a donné des rôles légalement définis au point de les rendre indispensables dans de nombreux secteurs, dont les soins de santé.
 

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Partout dans le monde, les fonctions généralistes ont été transformées en disciplines académiques rattachées aux sciences humaines. Elles ont ainsi débouché sur une efflorescence de diplômes et de métiers diversement accueillis. En Belgique, l'État leur a donné des rôles légalement définis au point de les rendre indispensables dans de nombreux secteurs, dont les soins de santé.

En dictature, un seul commande à coups de matraques. En démocratie, chacun défend sa liberté avec des bâtons de savoirs et de pouvoirs. Faits de réel, nous nous relions par des cultures, des arts, des croyances, des théories, des lois..., expressions d'un virtuel infini. Le réel neuropsychologique enfoui dans les cerveaux nous présente une réalité multiple, partagée, discutée, agitée, entrelaçant réel et virtuel. La démocratie se conquiert et s'entretient dans cette réalité perçue, à corriger selon les évènements. La politique règne sur les relations des humains entre eux, la science sur leurs relations au réel. Politique et science ne cessent d'interagir, mêlant de l'objectivable et du subjectif, des moyens et des fins. Certains jugent négativement les alambics institutionnels belges. Pas si sûr! D'autres pays nous envient nos lois pacificatrices. Jusqu'ici, elles ont réussi à neutraliser les ennemis intérieurs de la démocratie, egos cachés derrière de belles paroles, ambiguës ou mensongères. Contre les menaces extérieures au genre humain, la politique ne peut rien sans la science... et vice-versa face à la violence des egos. A voir ce qui se passe ailleurs, le surréalisme belge n'a peut-être pas que des défauts.

 

Docteur Octopus juridico-administratif.

 

L'épisode précédent (jdM N° 2655) rappelait que les neuf ministres de la santé n'étaient que la partie émergée de l'iceberg des fonctions généralistes imposées par la loi. Dans les hôpitaux, les directeurs, les cadres intermédiaires, les médecins et les soignants se transforment en exécutants de textes légaux. Le Dr Octopus juridico-administratif étend ses tentacules aux malades et à leurs familles en leur demandant de signer formulaires et consentements "éclairés" à la moindre intervention. Comme si la confiance pouvait se construire bureaucratiquement.

 

Pourtant, malgré les critiques répétées de leur système politique, jamais les Belges n'ont vraiment soutenu des réformes radicales. Pour comprendre ce paradoxe, il faut aller aux racines du surréalisme belge.

 

Deux grandes tendances.

 

Deux tendances lourdes, recherche de sécurité et désir de liberté, inspirent la culture politique belge. Le mariage des deux a toujours prévalu. Les disputes autour des budgets de l'état, de la sécurité sociale et de la répartition des compétences entre les différents échelons de pouvoirs ne peuvent se comprendre sans cette double perspective de sécurité et de liberté. Elles expliquent les attitudes contradictoires et ambiguës, si caractéristiques du système institutionnel belge. En effet, chaque problème donne lieu à des négociations entre les partenaires concernés, sous la houlette de l'État, omniprésent par les lois et décideur ultime en l'absence d'accord. La Belgique dispose ainsi d'innombrables lieux où les fonctions généralistes peuvent s'épanouir ; les adversaires y apprennent à se connaître, si pas à s'apprécier. Mais ils nourrissent aussi la bureaucratie, pour s'empresser de la critiquer en constatant ses effets pervers. A côté de ces initiés du système, beaucoup de citoyens ne sortent pas d'un périmètre familial, professionnel et associatif restreint. Curieux mélange de cloisons et de traits d'unions.

 

Des avantages indéniables, des défauts rédhibitoires.

 
 

Plus il y a de règles, plus il faut des gardiens des règles. L'inflation des règles favorise l'emploi.

 

De crises en crises, notre système de sécurité sociale compliqué a bien résisté, non sans aider de nombreux citoyens à s'en sortir. Ceux qui le disent sont souvent ceux qui en vivent, ils soulignent les indéniables succès en freinant toute réflexion sur l'équité de la sécu et sur son financement.

 

Bémol, et pas le moindre, la protection par les lois endort l'esprit d'initiative et le sens des responsabilités. Appliquer les règlements et tout ira bien. Sauf quand cela ne marche pas. Alors, les centres d'études et les commissions repartent de plus belle. Quand la concertation, force de la démocratie belge, devient prétexte à usines à gaz, ni la logistique ni la décision efficace ne s'y retrouvent, surtout dans l'urgence d'une pandémie. Les règles en elles-mêmes ne peuvent rien contre les virus et autres menaces du réel. La multiplications de disciplines attrayantes a détourné des masses de jeunes des études scientifiques ou techniques, réputées trop ardues, et du travail manuel, dramatiquement dévalorisé. Les usines de production, entre autres de vaccins, tournent 24 h sur 24. Malheureusement, "les gens ne veulent plus travailler à pauses", me dit quelqu'un qui lui, continue à le faire.

 

Le mariage belge de la protection et de la liberté a trouvé sa synthèse théorique dans l'expression "fédéralisme d'union", lancée par Wilfried Martens, bel exemple de la manière dont la culture politique belge transforme un jeune radical en premier ministre soucieux de loyauté fédérale.

 

Le laboratoire des fonctions généralistes et de la démocratie qu'est la Belgique a encore beaucoup de travail.

 

Prochain épisode: quel vaccin contre la tyrannie?

 

 

 

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