Honoraires forfaitaires en médecine spécialisée hospitalière - position ABSyM

29 juin 2014

Actuellement, dans certaines disciplines, le paiement de la médecine à l’acte coexiste avec un paiement par des honoraires forfaitaires. Les autorités étudient la possibilité de mettre en place un paiement uniquement forfaitaire. Au-delà du fait qu’un tour d’horizon des pays pratiquant le forfait ne montre en rien une meilleure qualité de la médecine dans ces pays pour les mêmes investissements financiers, ce système présente sans aucun doute de nombreux dangers.

Position de l’ABSyM concernant le paiement d’honoraires forfaitaires en médecine spécialisée hospitalière

Actuellement, dans certaines disciplines, le paiement de la médecine à l’acte coexiste avec un paiement par des honoraires forfaitaires. Les autorités étudient la possibilité de mettre en place un paiement uniquement forfaitaire. Au-delà du fait qu’un tour d’horizon des pays pratiquant le forfait ne montre en rien une meilleure qualité de la médecine dans ces pays pour les mêmes investissements financiers, ce système présente sans aucun doute de nombreux dangers. L’ABSyM a établi une liste de prérequis nécessaires à l’étude de la mise en place d’un tel système afin de préserver la qualité et l’accessibilité aux soins hospitaliers reconnues comme performante dans notre pays.

1. Paiement  forfaitaire versus paiement à l’acte : le risque de dépassements des actes est actuellement maîtrisé par le système des montants de référence et les objectifs budgétaires.

A ce jour, une partie de la médecine hospitalière est payée sous forme d’honoraires forfaitaires : la biologie clinique par admission liée à des paramètres qualitatifs du service de biologie clinique, les honoraires forfaitaires de biologie clinique par journée d’entretien lié à l’APR-DRG en partie, les honoraires forfaitaires par admission en radiologie lié à l’APR-DRG, les honoraires de consultance en radiologie.  Pour ce qui concerne les honoraires forfaitaires APR-DRG dans ces deux disciplines, ils sont calculés selon le case mix APR-DRG du laboratoire et de la radiologie. 

Environ 75 % du budget biologie clinique et 32-35 % du budget radiologie sont liquidés sous forme de honoraires forfaitaires.  On connaît aussi des honoraires forfaitaires par admission liés à l’existence ou non d’un service d’urgences spécialisés et/ou d’un service de soins intensifs.

 

Les avantages et inconvénients d’un système de paiement à l’acte, versus un système de paiement par des forfaits ou par des honoraires forfaitaires, sont bien connus et ont fait l’objet de nombreuses publications.  Pour le paiement à l’acte, il ne fait pas de doute que le patient bénéficie, grâce à ce système, de tous les examens souhaitables, mais qu’il y a un risque de consommation marginale excessive. Ce risque est cependant limité par une maîtrise des tarifs et des remboursements ainsi que par une maîtrise des volumes grâce aux enveloppes, accords budgétaires et profils. Pour ce qui concerne les honoraires forfaitaires, force est de constater qu’ils  n’ont jamais enrayé l’évolution à la hausse des dépenses pour les disciplines qui y sont soumises.  La seule modalité qui a été prise pour garder les dépenses dans des limites définies par les autorités est d’avoir instauré un plafond au budget des dépenses consenties, et cela tant pour les paiements d’honoraires forfaitaires classiques qu’au d’honoraires forfaitaires par APR-DRG.

 

L’expérience non significative des APR-DRG

Les publications ayant trait au paiement de l’activité médicale par APR-DRG, inclues ou non dans un système de « all in », ne démontrent nullement un effet favorable pour ce qui concerne la qualité des prestations médicales fournies, ou la gestion de listes d’attente.

Aucun système d’honoraires forfaitaires par APR-DRG n’est en soi suffisant, puisque de nombreuses activités sont financées, dans les pays qui recourent à ce système, par des compléments à l’acte ou à l’activité : service d’urgences, service des soins intensifs, complications et cas très sévères, psychiatrie, etc.

Les suggestions qui existent en Belgique, vont du « all in » complet au maintien d’une séparation entre la partie honoraires et la partie Budget des Moyens Financiers, même si tous les deux sont financés au départ de modèles APR-DRG.  Examinons les documents du KCE, et la feuille de route de Madame Onkelinx.  Il existe aussi un document rédigé par la conférence des hôpitaux universitaires, qui tout en plaidant pour un système de honoraires forfaitaires médical généralisé scinde la partie honoraires en une partie matérielle et frais de fonctionnement qui serait dévolue au gestionnaire et une partie dite pure qui retournerait vers les médecins.  Les mêmes hôpitaux universitaires plaident cependant pour le maintien à part du B7 qui finance la formation des assistants dans le BMF des hôpitaux universitaires. L’ABSyM a déjà soutenu que le financement de la formation des assistants doit être pris en charge en dehors et en plus des coûts des soins et que par conséquent, les assistants devraient être financés à part des soins et cela aussi dans tous les hôpitaux généraux où il y a un service de stage et pas seulement dans les hôpitaux universitaires.

Les services publics permanents assurés par les hôpitaux (urgence, garde) doivent également être financés sans référence aux APR-DRG.

 

L’ABSyM reste, par conviction et par pragmatisme, attachée à un modèle de rétribution à l’acte.

 

2. L’ABSyM met des conditions à un paiement forfaitaire lié à ces prérequis:

Si les autorités publiques imposent un système de forfaits, l’ABSyM estime qu’un certain nombre de conditions doivent être rencontrées, celles-ci sont énumérées ci-dessous :

 

1) L’Input pour les responsables de la qualité des soins, les prestataires et les investissements en matériels médicaux doit être suffisant.

Les honoraires, forfaitaires ou non, doivent rester des honoraires et pas une masse budgétaire accordée à l’hôpital.  C’est la seule façon de garantir que les médecins des services ou représentants des activités concernées auront un input suffisant au niveau de la prise de décision dans l’Institution quant à la dévolution des moyens pour investissements en capital ou en budget opérationnel.  En outre, il n’est pas admissible que les déficits hospitaliers soient, sans discussion entre Conseil Médical et Gestionnaire, corrigés par un transfert structurel du budget des honoraires vers le BMF : quelles garanties les médecins pourraient-ils avoir quant aux investissements médicaux et à la couverture des frais du personnel médical ?

 

2) Quels APR-DRG peuvent entrer en ligne de compte et quels frais doivent rester payés à l’acte ?

Le projet qui nous est présenté recourra à la technique des APR-DRG.  En ce cas, il faut que l’APR-DRG se limite aux cas de sévérité 1 et 2, les autres étant payés à l’acte.

Il faudrait distinguer les montants de référence différents par classe d’âge pour certains DRG, rencontrés également en pédiatrie :

০ DRG Chirurgicaux : 225 appendicectomie, 228 cure de hernie inguinale et crurale et 263 Cholécystectomie laparoscopique.

০ DRG médicaux : 139 pneumonie simple, 204 syncope et collapsus.

Il faudrait un financement particulier pour les séjours nécessitant le passage aux soins intensifs – pour certains DRG médicaux.

Il faut peut-être exclure les DRG oncologiques comme le DRG 136 affections malignes du système respiratoire, qui se retrouve dans plusieurs services différents (pneumologie, médecine interne, oncologie, chirurgie cardiaque et vasculaire et médecine d’urgence).

Dans certains hôpitaux, les coûts sont différents selon les services pour les mêmes sévérités mais nous n’avons pas un échantillon statistiquement significatif.

Il ne faut pas calquer le système sur celui utilisé pour payer l’hôpital via le BMF, mais définir un prix par APR-DRG, calculé de préférence sur les coûts réels avec un bénéfice marginal plutôt que sur les tarifications. Il ne saurait être question de référer à un modèle de case mix.

Il y a d’ailleurs lieu de rappeler que le BMF actuel paie les dépenses structurelles en personnel et en infrastructure, hors la sous-partie A, par un modèle qui rémunère des lits justifiés, lits justifiés référant à une durée de séjour normalisée par rapport au case mix des 3 années auparavant.  Un tel système est incompatible avec un paiement d’honoraire médical.

Il faut aussi faire remarquer que tous les points complémentaires dans le système actuel BMF sont calculés en fonction soit des numéros de nomenclature c’est-à-dire des actes médicaux, soit de prestations infirmières reprises dans un RIM (encore aujourd’hui le RIM de 2006 !).

 

3) Limitation d’une expérience à certains APR-DRG

Avant de se lancer dans des expériences qui peuvent être dommageables et dont les effets ne seront mesurés que trop tardivement, il est souhaitable de limiter la mise en place d’une rémunération d’honoraires forfaitaires par APR-DRG aux situations cliniques qui aujourd’hui sont incluses dans le système des montants de référence, quitte à élargir le modèle quand les effets pervers auront été corrigés.

 

4) La mise en œuvre doit être confiée au système de concertation

a)     S’agissant d’honoraires, et vu l’environnement médico-social actuel, la mise en œuvre d’un système APR-DRG pour les situations cliniques reprises ci-dessus doivent être confiée à la Commission Nationale Médico-Mutualiste ou à l’instance qui en tiendra lieu, et incluse dans un prochain accord.

b)     S’agissant d’honoraires, même pour des prestations pratiquées à l’hôpital, il n’y pas lieu d’élargir la discussion sur les honoraires à des représentants du banc hospitalier.

 

5) Relations entre pathologie en hospitalisation et extrahospitalière

Ce paiement d’honoraires forfaitaires des honoraires médicaux hospitaliers ne peut inclure des prestations réalisées en extrahospitalier que ce soit avant ou après l’hospitalisation pour des raisons évidentes dont la pertinence, bien que démontrée dans les calculs présentés à la structure multipartite à propos des montants de référence, n’a pas été retenue, par le gouvernement précédent.

 

6) Le système actuel des montants de référence basé sur des remboursements et des moyennes doit être supprimé.

 

7) Le rôle des Conseils Médicaux doit être conforté

Dans la Loi actuelle sur les Hôpitaux, il faut élargir les points des prérogatives du Conseil Médical, et, si l’autorité publique veut responsabiliser les médecins hospitaliers dans le bon usage de la nomenclature, il faut modifier la Loi sur les Hôpitaux pour d’une part élargir les points de compétence renforcés du Conseil Médical, mais aussi en faire des points de codécision, tels que repris par exemple à l’article 152 § 4 de la Loi sur les Hôpitaux.

 

8) Le all in par pathologie doit se combiner avec les suppléments d’honoraires

La création d’un honoraire forfaitaire englobant l’ensemble des prestations médicales délivrées à un patient au cours d’un séjour ne peut porter atteinte à la liberté, aujourd’hui reconnue aux médecins hospitaliers qui hospitalisent des patients dans des chambres à un lit, de demander des honoraires correspondant aux services rendus, et pas uniquement des honoraires issus d’un modèle de concertation sociale destiné à établir un prix permettant l’accès aux soins des moins riches (revenus taxables annuels inférieurs à 34.000 €) et un budget public supportable. 

Il faut donc adapter la Loi INAMI pour permettre aux médecins de facturer aux patients des honoraires complémentaires.

 

9) Le budget ne peut être fermé sous peine de limiter les soins à un nombre limité de pathologies par an

Si on forfaitise, que ce soit par APR-DRG ou autrement par séjour, les honoraires médicaux, il ne faut pas que la masse des honoraires soit soumise à un système d’enveloppe fermée, ou de récupération ultérieure comme cela existe aujourd’hui dans les modèles budgétaires INAMI, à peine de forcer les services qui auraient atteint leur plafond budgétaire d’arrêter leur activité médicale en cours d’année civile ou de créer des listes d’attente, le budget étant épuisé. Autrement dit, le système qui sera créé de paiement d’honoraires forfaitaires ne peut être soumis à un couvercle budgétaire.

 

10) La transparence doit garantir le caractère prospectif

Afin que le système soit prospectif, les prestataires doivent posséder dès avant leur prestation les critères d’évaluation de leur activité, d’une manière simple et transparente.

 

11) Pour éviter les dérives du système et permettre l’évaluation de l’offre, les médecins doivent disposer de données épidémiologiques portant sur la pathologie et non sur les prestations médicales. Ils doivent disposer aussi des données géographiques concernant l’offre de soins.

 

Dr Marc MOENS                               Dr Jaques de TOEUF                        Dr Roland LEMYE

Vice-président néerlandophone        Vice-président francophone              Président

À propos de l'ABSYM

Nous défendons une médecine libre avec un modèle de rémunération à l'acte, complétée par des forfaits.
Par exemple, en médecine générale, nous défendons toutes les formes de pratique et pas seulement les pratiques de groupe multidisciplinaires comme nos concurrents.

Le médecin généraliste solo doit pouvoir garder sa place.

En ce qui concerne les spécialistes, nous défendons tous les spécialistes y compris ceux qui exercent en dehors de l'hôpital.