Financement des hôpitaux: "un raid organisé contre les médecins hospitaliers"

18 septembre 2014

 (Contribution Dr. Marc Moens dans Mediquality )
 "Vers un financement des hôpitaux généraux orienté par les administrateurs". Cela ressemble à s'y méprendre à une paraphrase de l'opération ‘'Together we count'' organisée par Zorgnet Vlaanderen* le 29 août 2014: après avoir mené un véritable raid chez les médecins hospitaliers, les administrateurs de Zorgnet Vlaanderen comptent leur butin....

 (Contribution Dr. Marc Moens dans Mediquality)

 "Vers un financement des hôpitaux généraux orienté par les administrateurs". Cela ressemble à s'y méprendre à une paraphrase de l'opération ‘'Together we count'' organisée par Zorgnet Vlaanderen* le 29 août 2014: après avoir mené un véritable raid chez les médecins hospitaliers, les administrateurs de Zorgnet Vlaanderen comptent leur butin.


C'est le 16 septembre 2014 que le conseil d'administration du KCE (Centre fédéral d'expertise des soins de santé) va discuter du projet de rapport annoncé de longue date sur la réforme du financement des hôpitaux. C'est dans le but de précéder la publication du dit rapport que Peter Degadt, administrateur-délégué de Zorgnet Vlaanderen, a cru opportun de répandre largement dans la presse le point de vue de son organisation faîtière d'institutions de soins. On n'est jamais trop prudent car il n'est pas nécessairement exclu que le KCE défende à propos de certains points une opinion différente de celle de Zorgnet Vlaanderen.

 

L'affaire est simple. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement: les pouvoirs publics n'octroient pas assez de financements aux hôpitaux et les médecins gagnent trop. La solution: déposséder les médecins de leurs honoraires, s'approprier cet argent et en confier l'attribution aux administrateurs des hôpitaux via le budget des moyens financiers. Le directeur de l'hôpital ne devra pas décider quel sera le montant du taux des honoraires effectifs de ses médecins faux-indépendants car les coûts des salaires du personnel et des médecins devront être calculés selon des règles nationales. Les revenus devront être plafonnés.

 

Les bénéfices d'efficacité résultant des rationalisations et des réorganisations "retourneront bien évidemment vers l'hôpital ou le réseau qui les a réalisés'' (page 25). Comme les membres d'une  bande d'Europe de l'est, les concepteurs n'hésitent pas non plus à s'en prendre aux ‘petits': ‘'il sera éventuellement envisageable d'avoir recours aux moyens qui étaient prévus pour les activités extramurales afin d'assurer le financement du système informatique de l'hôpital.'' Généralistes, prenez garde à votre prime télématique de l'INAMI! Les spécialistes ne perçoivent pas encore de prime informatique, les administrateurs ne trouveront rien dans ce secteur. Mais qu'ils ne s'apitoient pas: les moyens prévus pour la polyclinique seront transférés au budget des moyens financiers et assureront la compensation en les combinant à une macro-diminution des honoraires. Le financement de la clinique d'un jour sera aussi repris dans le budget des moyens financiers. Les administrateurs d'hôpitaux n'auront cure de savoir comment le spécialiste extramuros sera censé de maintenir en vie son cabinet tout en payant le salaire de son (sa) secrétaire et/ou de son assistant(e). Les auteurs ne sont pas entièrement dépourvus d'humour, force est de le reconnaître: ‘'Dans les cliniques prises individuellement, on ne fera plus appel pour l'aménagement et le fonctionnement des polycliniques qu'aux cessions et autres prélèvements d'honoraires pour l'équipement et l'encadrement hors-normes. Cela contribuera aux bonnes relations entre les médecins et la direction.'' Bon sang, mais c'est bien sûr!

 

S'il devait éventuellement rester encore quelque chose pour les médecins après l'écrémage par le biais du transfert vers le budget des moyens financiers et l'absorption des honoraires de la polyclinique de l'hôpital et de la clinique d'un jour, une partie de ce solde sera placée dans un fonds d'investissements qui sera administré paritairement, pour autant qu'il s'agisse d'activités exclusivement médicales.  

 

Etant donné que les administrateurs et les directions dispenseront des soins plus performants et plus efficaces, le nombre de journées d'hospitalisation et de soins baissera forcément ainsi que, et en même temps, le montant des honoraires de surveillance payés aux médecins. Zorgnet Vlaanderen soustrait cet argent aux médecins afin de participer au financement de la qualité. Et là où le document évoque le P4P (Pay for Performance), les primes éventuelles reviennent à l'hôpital: ‘'En prélevant la prime sur une économie préalablement réalisée sur le budget de l'hôpital – et déjà payée en partie grâce aux écrémages drastiques des honoraires des médecins – et, une fois encore, sur les honoraires-, les hôpitaux mais aussi les médecins hospitaliers sont une fois de plus encouragés à récupérer les économies en question en prodiguant des soins de haute qualité.'' (page 39). Mais le médecin ne peut plus percevoir que des honoraires effectifs plafonnés, selon Zorgnet Vlaanderen. Voilà un exercice combiné qui s'avérera bien difficile à réaliser.   

La citation ci-dessus témoigne de surcroît d'une incompréhensible crédulité vis-à-vis des pouvoirs publics. Quand la forfaitarisation des dépenses pour les médicaments des hôpitaux a débuté en 2006, chacun ou presque jura ses grands dieux qu'il ne s'agirait en aucun cas d'une opération d'assainissement budgétaire, de faire des économies d'échelle. Les moyens éventuellement libérés allaient être réinvestis dans l'amélioration de la qualité des soins, comme, par exemple, via l'engagement de pharmaciens cliniciens. Huit ans plus tard, et après avoir cédé 34 pourcent du budget des médicaments, les hôpitaux attendent encore et toujours ces euros ‘libérés.'   

Zorgnet veut avoir son mot à dire dans l'accord médico-mutualiste, toutes affaires cessantes, car c'est là que la révision des honoraires des médecins est ‘'consciemment retardée''. Ils sont indubitablement à même de créer ‘'un tableau des différentes fonctions pour l'utiliser comme point de référence, de critère, pour la rémunération des différentes disciplines'' et qui tiendrait compte de la durée de la formation, des responsabilités, de la charge de travail, de la formation continue, des présences, des services de garde, des contacts avec les patients et ainsi de suite (page 32).  Un véritable jeu d'enfants! A deux balles!

 

Il y a aussi deux aspects positifs qui ne peuvent pas être négligés bien que les termes utilisés ne soient pas univoques. Là où il est fait mention de prélèvements sur les honoraires: ‘'Les suppléments font notamment et intégralement partie du salaire des médecins (page 42)'' ? Et à propos de l'all-in (tout compris): ‘'La transparence augmente. D'autres objectifs comme l'amélioration de la qualité et la maîtrise des coûts n'ont pas pu être concrétisés.'' (page 34).  Pas de all-in donc pour Zorgnet Vlaanderen. Il n'y a d'ailleurs plus rien à ramasser chez les médecins

 

Je serais bien curieux de savoir quelle serait la réaction de Zorgnet Vlaanderen si le KCE devait incessamment postuler qu'il conviendrait mieux pour l'organisation de supprimer la moitié de ses lits d'hôpitaux pour les transférer aux établissements hospitaliers universitaires. Ou le contraire. Mais je plaisante, bien entendu…."

 

Paru dans Mediquality  du 17/09/14 sous le titre "Financement des hôpitaux: un raid organisé contre les médecins hospitaliers"

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